
La loi de séparation des Églises et de l’État, dite aussi loi de 1905 demeure aujourd’hui le texte fondateur du principe de laïcité en France. Quelle est l’origine de cette loi et comment garantit-elle une égalité de traitement entre tous les citoyens ? Décryptage.

Une loi protectrice
La loi de séparation des Églises et de l’État, dite aussi « loi de 1905 », est indissociable du principe de laïcité. Depuis une trentaine d’années, le mot « laïcité » surgit souvent au détour d’événements médiatisés lorsqu’il s’agit de rappeler le respect des principes de la République. Mais qu’est-ce que la laïcité et que dit cette loi qui, avant toute chose, garantit l’égalité entre tous les citoyens ?
Inscrite dans la Constitution, la laïcité est un principe républicain. Elle permet notamment de croire ou de ne pas croire, de pratiquer sa religion, de ne plus croire ou de changer de religion et ce, tant que cela ne va pas à l’encontre des lois de la République. La laïcité garantit donc :
1/ la liberté de conscience et le libre exercice des cultes.
Par « libre exercice des cultes », on entend :
- la possibilité de se réunir pour pratiquer son culte,
- la possibilité d’exprimer sa croyance par le port de signes religieux ou par le port de tenues,
- la possibilité de convaincre du bien-fondé de sa croyance.
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2/ La laïcité garantit également :
- l’égalité de tous les citoyens, quelle que soit leur croyance ;
- la neutralité de l’État à l’égard des religions.
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Article 1
La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.La loi de séparation des Églises et de l’État, dite aussi « loi de 1905 »
Article 2
La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3.
La laïcité ou le « lent travail des siècles »
« Ce n’est que par le lent travail des siècles que peu à peu, les diverses fonctions de la vie publique se sont distinguées, séparées les unes des autres et affranchies de la tutelle étroite de l’Église. […] La laïcité est l’héritière des aspirations à la liberté du Siècle des Lumières. Elle plonge ses racines dans le bouleversement révolutionnaire de 1789. »
Ferdinand Buisson
Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire (1887-1888)
La laïcité résulte de l’histoire politique de la France. Si la Révolution française est considérée comme le point de départ de cette longue histoire, les racines de la laïcité remontent au Moyen Âge, même si, à ce moment-là , le terme n’existe pas encore.
En effet, en 498, le baptême de Clovis par Saint-Rémi fait du christianisme la religion officielle de la Gaule. L’Église devient omniprésente dans différents domaines : l’enseignement, l’état civil, les soins… Le monarque en tire sa légitimité ; son pouvoir est dit « de droit divin ». Jusqu’à la Révolution française, même si l’Édit de Nantes, signé par Henri IV en 1598, affirme la liberté de conscience et l’égalité civique, la France demeure profondément catholique. En 1685, la révocation de ce texte par Louis XIV marque d’ailleurs la fin de la tolérance religieuse. Le culte protestant, interdit, provoque l’exil de plus de deux cent mille protestants. Le monarque remet à l’ordre du jour l’adage « une foi, une loi, un roi ».
La Révolution remet profondément en cause l’ordre établi. L’abolition de la monarchie de droit divin est une première étape vers la laïcisation du pays.
« Nul homme ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble par l’ordre public établi par la loi. »
Article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789
La liberté de culte est proclamée en 1791. Persécutés dans le passé, protestants et juifs deviennent des citoyens comme les autres. L’influence des religions dans la société diminue.
En 1795, sous le Directoire, la séparation de l’Église et de l’État est proclamée pour la première fois, selon des modalités proches de la loi de 1905. Toutefois, les principes ne sont pas forcément appliqués. La laïcité reste au rang des idées.
En 1801, pour rétablir la paix religieuse, Napoléon Bonaparte signe le Concordat qui fixe les relations entre l’État français et le Saint-Siège. Le catholicisme ne redevient pas la religion officielle mais celle « de la grande majorité des Français ». Néanmoins, les religions reconnues sont organisées comme des services publics.
Sous la IIIe République, la France franchit une deuxième étape vers la laïcisation. Le terme « laïcité » apparait. Sous l’impulsion de Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique, l’école publique devient gratuite en 1881, puis obligatoire pour tous les enfants de 6 à 13 ans, en 1882. L’enseignement religieux est exclu des heures de classes et remplacé par l’enseignement de la morale civique.
La loi de 1905, texte fondateur de la laïcité
L’affaire Dreyfus, qui débute en 1894, provoque un climat de tension entre les radicaux républicains et la droite catholique. C’est dans ce contexte que le projet de loi de séparation des Églises et de l’État est présenté au Parlement. La préparation du projet de loi confiée à la commission Buisson – Briand donne lieu à des débats houleux entre Républicains et Catholiques. On compte 48 séances de discussions entre 1904 et 1905. La loi de 1905 marque la volonté d’Aristide Briand d’aboutir à une loi de compromis qui permet à la fois l’adhésion des catholiques et des anti-cléricaux. Cette loi repose sur deux piliers principaux :
- la liberté de conscience affirmée à l’article premier ;
- la séparation des Églises et de l’État.
Avec la loi de 1905, la souveraineté de la Nation s’affirme. La religion officielle ayant longtemps été le catholicisme, l’athéisme n’était pas reconnu. À partir de 1905, l’État n’a plus de religion. Sa neutralité devient donc une garantie pour l’égalité des citoyens. C’est pourquoi, sans faire référence à la laïcité de façon explicite, la loi de 1905 demeure le texte fondateur de la laïcité en France.Â
Depuis 20 ans, l’évolution du paysage religieux en France
Depuis la fin du XXe siècle, la laïcité semble ressurgir dans le débat public dans un contexte très différent de celui de 1905. En effet, la société se caractérise aujourd’hui par une diversité religieuse bien plus importante alliée à une sécularisation importante.
Sécularisation : de quoi parle-t-on ?
Le terme « sécularisation » désigne aujourd’hui un processus lent par lequel une société se dégage petit à petit de la religion. Au sein de cette société, les mœurs ne sont plus déterminées par les normes religieuses. Certaines fonctions auparavant remplies par l’Église sont notamment abandonnées.

À la suite des attentats terroristes de 2015, une véritable politique publique de la laïcité est mise en œuvre. La mobilisation des pouvoirs publics s’intensifie avec la « Grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République » ou le lancement du plan national de formation « Valeurs de la République et laïcité ».
Dans la continuité, la loi confortant le respect des principes de la République est adoptée le 24 août 2021. Cette loi réaffirme le principe de laïcité comme fondement de la République. Elle vise à faire respecter la laïcité notamment dans les services publics, les associations, les organismes de droit privé chargés d’une mission de service public… À cet effet, des actions concrètes sont décidées à l’occasion du premier Comité interministériel de la laïcité, notamment la formation des agents publics d’ici à la fin 2025 et la nomination de référents laïcité.
Enfin, une journée nationale de la laïcité a été instaurée le 9 décembre de chaque année en hommage au jour où la loi de séparation des Églises et de l’État a été promulguée. Un prix de la laïcité est décerné le même jour.
