A partir du 17 décembre, Jupiter et Saturne se rapprocheront, dès 17h30 et ce jusqu’au 21 décembre, jour le plus long de l’année. Profitons de ce moment rare pour célébrer la beauté de la nuit et rappeler son rôle majeur pour les écosystèmes et notre imaginaire. Cette richesse nocturne doit être préservée notamment de la pollution lumineuse.
Rencontre avec Eric Piednoel, directeur général de l’Association Française d’Astronomie AFA, qui livre sa vision passionnée et experte du ciel et nous apprend à observer cette conjonction de planètes exceptionnelle à ne pas rater.
Le 21 décembre, vers 17h-17h30, le soleil se couchera, la Nuit tombera. Bienvenue dans la Nuit la plus longue, le solstice d’hiver. Cette année, comme pour réenchanter 2020, nous pourrons observer à l’œil nu ou avec une paire de jumelles la « grande conjonction » de Jupiter et de Saturne, que l’on soit en ville ou à la campagne !
« Le 21 décembre, il se passe quelque chose d’assez extraordinaire : nous pourrons à peine discerner un espace entre ces deux planètes. Pour vous donner une idée de la rareté de l’événement, on pourra voir la même conjonction dans une situation aussi confortable dans 60 ans seulement » précise Eric PIEDNOEL, directeur général de l’Association Française d’Astronomie (AFA).
A cette occasion, Agir pour l’Environnement tient à rappeler que la Nuit est belle, la Nuit est merveilleuse, mais elle est aussi menacée. La pollution lumineuse, bien que documentée, reste trop peu connue. Et pourtant, son impact sur notre biodiversité, notre santé, et notre imaginaire collectif est grand.
Si la conjonction de Jupiter et Saturne peut heureusement être observée, la perte de ciel et d’émerveillement est considérable pour les citadins : ces derniers ne peuvent voir qu’une vingtaine d’étoiles au lieu des milliers visibles dans un ciel dépourvu de pollution lumineuse.
« De façon permanente, il y a plein de spectacles du ciel que l’on loupe à cause de la pollution lumineuse. Il y en a deux qui sont complètement invisibles en ville. Le premier, c’est la Voie Lactée : il faut aller à plus de 80 km du centre de Paris pour pouvoir commencer à la discerner. Le second, c’est la galaxie d’Andromède, que l’on peut pourtant voir à l’œil nu lorsque la Nuit est bien noire. De la même façon, quand on pourrait voir 200 étoiles filantes dans un ciel très noir, nous en verrons 2 ou 3 en ville, peut-être. »
La Nuit a un rôle capital dans notre imaginaire, et ce depuis des millénaires.
Si la Nuit noire vient à disparaître sous le feu des projecteurs, nous perdrons tout un pan de notre imaginaire collectif, de notre mythologie.
« Très longtemps, le ciel a fait partie du quotidien de chacun. Les civilisations ont rythmé leur vie grâce au ciel, autour de la présence des planètes et des étoiles. La Nuit a aussi pris beaucoup de place dans nos cultures. Les différentes civilisations ont projeté des croyances sur les phénomènes astronomiques : aurores boréales, comètes, rapprochements de planètes, éclipses de Lune et de Soleil…Pour les Inuits par exemple, les aurores boréales représentaient l’âme de défunts montés au ciel. »
Est perdue aussi notre capacité d’émerveillement, de rêve face à l’esthétisme du ciel.
« Dès que l’on prend une paire de jumelles et que l’on commence à regarder la Voie Lactée, on a vraiment un effet de profondeur. On prend conscience que ce que l’on observe, ce sont des centaines de milliers d’étoiles autour desquelles tournent peut-être des dizaines de planètes, dans notre seule galaxie, et tout cela nous rend sans doute un peu plus humbles. C’est un sentiment d’immensité, et de puissance de la nature. Nous priver de cela, c’est nous priver d’un spectacle gratuit, partagé par l’humanité. Nous sommes déracinés de ce ciel. »
La Nuit, c’est aussi :
- Un foisonnement de biodiversité : 64% des invertébrés et 30% des vertébrés sont nocturnes. Papillons, chiroptères, vers luisants, oiseaux… sont menacés par la pollution lumineuse.
- Un élément essentiel pour notre santé physique et psychologique : la perte de la Nuit noire a une incidence sur notre horloge biologique et notre production de mélatonine, hormone qui régule notre sommeil.
- Un instant à préserver, loin de l’agitation quotidienne, de la sur-sollicitation et des publicités omniprésentes.
L’excès de lumière est une source de pollution responsable de l’agonie de tout un écosystème dont nous faisons partie. Cette pollution peut pourtant être facilement contrôlée !
Protégeons la Beauté de la Nuit !
La France a pris en compte la protection de la nuit en énonçant en 2018 de nouvelles réglementations en termes d’horaires d’extinction, d’intensité, d’orientation et de température de couleur de la lumière. Au 1er janvier 2021, toutes les obligations d’extinction entreront en vigueur, lorsqu’elles ne requièrent pas la création d’un réseau séparé.
Il ne faut pas hésiter à aller plus loin que ces dispositions. Les 150 de la Convention Citoyenne pour le Climat l’ont bien compris : ils demandent par exemple l’interdiction d’éclairage des enseignes, vitrines de magasins et bureaux la nuit dès leur fermeture, ou bien l’extinction de l’éclairage public la nuit hors agglomération dense.
Au niveau individuel, nous pouvons agir :
- Prendre conscience de l’omniprésence de la lumière et réfléchir aux sources lumineuses qui pourraient facilement être évitées.
- Interpeller sa commune pour lui demander d’établir un diagnostic de son éclairage public et d’optimiser son éclairage public
- Participer au Jour de la Nuit, dont la prochaine édition se tiendra le 09 octobre 2021
- Penser à regarder le ciel autant que possible, se le réapproprier et si ce n’est pas déjà le cas, commencer pour cela à lever le nez au ciel dès le 17 décembre 2020 !